Le Conseil national du sida manifeste son émotion et son inquiétude devant l’intention des autorités américaines de faire application, à l’occasion de cette Conférence, de l’Immigration and nationality Act datant de 1952 et excluant l’entrée sur le territoire américain « des étrangers atteints d’une quelconque maladie contagieuse dangereuse ».

Dans sa séance du 1er février, le Conseil national du sida a fait clairement valoir que l’éventuel recours des autorités américaines à une législation qui était tombée en désuétude, et son état de non abrogation, sont attentatoires à la dignité des personnes, contraires à la déontologie médicale et au principe du secret médical, ainsi qu’au droit de libre circulation des personnes qui devrait caractériser tout pays démocratique.

Le Conseil souligne l’incohérence d’une telle mesure, s’agissant d’une maladie qui n’est pas contagieuse au sens précis de ce mot mais transmissible, c’est-à-dire sous le contrôle de la responsabilité individuelle. Il fait ressortir également son inefficacité en termes de santé publique.

Le Conseil national du sida s’associe aux démarches entreprises par l’Organisation mondiale de la santé, par la fédération internationale de la Croix-Rouge et par le National Commission on AIDS des États-Unis pour faire abroger ces mesures et recommander, pour sa part, de lier la participation éventuelle des chercheurs français à cette abrogation.

Dès le mois de novembre 1989, les associations de défense des homosexuels et des séropositifs, en coordination avec l’OMS, ont alerté le public et les pouvoirs publics de ces dispositions légales américaines et la volonté affichée de les appliquer à l’occasion de la VIème conférence internationale sur le sida. Le Conseil fut informé dans un premier temps que des négociations étaient en cours, notamment entre le gouvernement des États-Unis et l’OMS, pour tenter d’obtenir leur abrogation. Ce n’est que lorsqu’il est apparu que ces discussions n’aboutiraient pas, du moins sur le fond, même si quelques concessions conjoncturelles ont pu être faites, que le Conseil a adopté le texte ci-dessus.

Note : En 1987, le Congrès américain avait inscrit le virus de sida sur la liste des maladies contagieuses qui interdisent tout accès aux États-Unis. Les autorités américaines assouplissent leur position le 13 avril 1990 en annonçant qu’un visa spécial de dix jours permettrait aux étrangers de se rendre aux États-Unis pour une conférence « d’intérêt public » sans avoir à déclarer leur séropositivité . Cette assouplissement fut jugé insuffisant par les douze ministres de la CEE et par le milieu associatif de lutte contre le sida. Le 17 mai 1990, les ministres de la santé des douze états membres de la CEE se sont unanimement prononcés pour ne pas participer personnellement à la conférence de San Francisco sur le sida.