Un tribunal de Dakar vient de condamner à huit années de prison ferme neuf citoyens sénégalais en raison de leur orientation sexuelle et de leur engagement dans la lutte contre le sida. Plusieurs prévenus, dont le président de l’association Aides Sénégal, sont des militants associatifs impliqués dans des actions de prévention, notamment en direction des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH). Leur condamnation s’appuie d’une part sur l’article 3.913 du code pénal sénégalais qui sanctionne les « actes impudiques ou contre nature entre individus de même sexe », d’autre part sur l’accusation d’ « association de malfaiteurs » qui vise plus particulièrement leur travail de prévention auprès des HSH. Le matériel de prévention utilisé par l’association (godemichés de démonstration, préservatifs, brochures d’information), saisi lors de leur arrestation, a été produit comme élément à charge au cours du procès.

Le Conseil national du sida dénonce cette décision des autorités judiciaires sénégalaises. Elle porte gravement atteinte aux droits élémentaires des personnes, apparaît nuisible en termes de santé publique et constitue un signal politique désastreux à l’échelle du continent africain.

Selon les recommandations émises par la communauté scientifique et les organisations internationales, la réponse globale à l’épidémie passe par la lutte, dans tous les pays, contre toutes les formes d’inégalités, de stigmatisation ou de discrimination qui touchent des communautés ou des groupes de population exposés au VIH, en particulier les minorités sexuelles. A l’inverse, il est démontré que la discrimination et, en l’espèce, la criminalisation de n’importe quel groupe d’individus contribue au développement de l’épidémie, en rendant ces groupes plus vulnérables, en dégradant leurs conditions d’existence, en entravant l’accès à l’information, à la prévention et aux services de santé. La reconnaissance et la prise en compte des minorités sexuelles, en particulier des HSH, est aujourd’hui à l’agenda de la lutte contre l’épidémie en Afrique. Plusieurs conférences internationales, et notamment l’ICASA, en décembre 2008 à Dakar, en ont récemment souligné les enjeux. A cette occasion, le gouvernement sénégalais a pris des engagements que l’affaire en cours semble renier.

Le Conseil national du sida, en tant qu’institution ayant pour mission de conseiller les pouvoirs publics en matière de lutte contre le sida, apporte son soutien aux protestations du gouvernement français.

Considérant le rôle que la France entend jouer au plan international dans la lutte contre le sida, considérant les liens de coopération scientifique et technique entre les deux pays, considérant enfin la portée politique de la décision de justice sénégalaise pour l’ensemble de la région, le Conseil estime nécessaire que le gouvernement français intervienne officiellement auprès du gouvernement sénégalais pour, d’une part, obtenir la libération des neuf condamnés et l’annulation de leur condamnation et, d’autre part, encourager les autorités sénégalaises à s’engager résolument dans une réforme du droit pénal visant à abroger toute disposition à caractère discriminatoire fondé sur l’orientation sexuelle.