Le Conseil national du sida constate que les dernières années ont été marquées par d’importantes avancées dans le domaine de la réduction des risques induits par les usages de drogues, et en particulier de drogues injectables. Il observe aussi l’émergence de nouvelles formes de polyconsommations à haut risque sanitaire et social, associant drogues licites et illicites.

Dans ce contexte, le CNS, institution indépendante chargée de fournir des avis aux pouvoirs publics en matière de lutte contre le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), a adopté un avis le 21 juin 2001, recommandant aux pouvoirs publics de renforcer la politique sanitaire en matière d’usages de drogues.

Les drogues, qu’elles soient ou non autorisées, peuvent toutes comporter des risques pour la santé et la situation sociale de leurs usagers, notamment dans le cadre de certains comportements de consommation. Fortement précarisés dans leur ensemble, fréquemment impliqués sur le plan judiciaire, les usagers de drogues sont aussi fragilisés par leur mauvais état somatique et psychique.

La transmission du VIH par voie sanguine ou sexuelle se poursuit. Si la prévalence estimée des contaminations au sein du groupe des consommateurs de drogues par voie injectable a décrû durant la dernière décennie, l’infection par le VIH concerne encore 15 à 20% d’entre eux. Les virus des hépatites — principalement l’hépatite C qui touche en moyenne entre 50 et 70% de ces personnes — s’ajoutent à la longue liste des affections auxquelles s’exposent les usagers de drogues.

Le contrôle de ces différentes infections exige de prendre en considération l’ensemble des risques sanitaires, mais aussi sociaux. En matière de consommations de drogues il justifie ainsi une action concertée s’inscrivant résolument dans une logique de santé publique.

Depuis l’avis émis par le CNS en 1993, de nouvelles approches, imposées par l’épidémie de sida, ont inspiré la politique suivie par les pouvoirs publics. Néanmoins, le maintien d’une politique hésitant entre soins et répression, largement imputable à l’état de la législation française sur les stupéfiants et aux préjugés à l’encontre des usagers de drogues, constitue aujourd’hui encore une entrave au déploiement de la stratégie de réduction des risques.

Partant de ces constats, le Conseil national du sida adresse une série de recommandations au législateur, ainsi qu’aux pouvoirs publics aux niveaux national et décentralisés. Il préconise une autre hiérarchie des fondements de la politique en matière d’usages de drogues : la prévention primaire et secondaire, la réduction des dommages sanitaires et sociaux, les soins, et une action répressive orientée contre le développement des risques sanitaires et sociaux.

En particulier, le Conseil national du sida :
- suggère que soit envisagée un abandon de l’incrimination pénale de l’usage personnel de stupéfiants dans un cadre privé ;
- préconise que soit confirmée l’exclusion de toute peine d’incarcération au chef du seul usage de stupéfiants, y compris en public ou avec plusieurs consommateurs ;
- propose des dispositions législatives garantissant pour tous et en tout lieu la mise en oeuvre de soins et de mesures de réduction des risques et dommages liés à la consommation de drogues, quel que soit le contexte, et notamment en milieu carcéral.

Il appelle les autorités françaises à un effort conséquent dans le domaine de la prévention primaire et secondaire des comportements à risques, à un renforcement du dynamisme de la réduction des risques, ainsi qu’à un élargissement des modalités de prise en charge médicale. Il échoit enfin à l’ensemble des régions, départements et municipalités de s’engager résolument dans une stratégie de soutien à la prévention et à l’accueil des consommateurs de drogues par les structures sanitaires et sociales.

Les conclusions du Conseil national du sida ne constituent ni condamnation, ni approbation des usages de drogues, dont il constate les dangers. Elles visent uniquement à ce que soit clairement privilégié un objectif de santé publique, au-delà de toute considération morale sur la signification de ces pratiques.