En décembre dernier, conformément à l’accord de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur les Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) et à la Déclaration de Doha relative à la santé publique, la Thaïlande a émis des licences obligatoires sur plusieurs médicaments. En échange d’une redevance au propriétaire du brevet, ce pays peut commercialiser à un moindre coût un médicament breveté, et ainsi permettre à un plus grand nombre de malades d’accéder aux traitements. Comme le rappelle l’article 4 de la Déclaration : l’accord sur les « ADPIC devrait être mis en oeuvre d’une manière qui appuie le droit des Membres de l’OMC de protéger la santé publique et, en particulier, de promouvoir l’accès de tous aux médicaments ».
Bien que la décision du gouvernement thaïlandais respecte l’accord sur les ADPIC, la firme Abbott, concernée pour un des médicaments, a décidé en réaction de ne plus enregistrer de nouveaux produits dans ce pays, dont le Kaletra en comprimé. Ce médicament est indispensable aux malades chez lesquels les autres traitements ont échoué. Sa forme en comprimé est particulièrement adaptée aux pays tropicaux, car elle n’implique pas l’utilisation d’une chaîne du froid pour la conservation du produit.
L’OMS a apporté « son soutien sans équivoque à l’utilisation par les pays en développement des flexibilités de l’accord sur les ADPIC ». Les autorités françaises ont aussi soutenu la Thaïlande dans sa décision. Cependant, Abbott a maintenu sa position.
Face à cette situation, un groupe de malades thaïlandais a lancé un appel à la solidarité internationale auprès d’autres ONG de malades du sida pour faire pression sur la firme Abbott. L’association Act up-Paris a organisé le 26 avril une action de protestation sous la forme d’une attaque contre le site internet de l’entreprise (netstrike), bloquant ainsi l’accès à ce dernier quelques heures. A la suite de cette « cyber-manifestation », la firme Abbott a décidé de poursuivre cette association. Le décalage entre la violence que constitue la privation des traitements pour une personne qui risque sa vie et celle d’une attaque contre un site internet mérite d’être soulignée.
Le Conseil national du sida ne peut dans ces conditions que :
Appeler les acteurs de la lutte contre le sida à joindre leur voix à celle des millions de malades pour soutenir l’application de flexibilité de l’accord sur les ADPIC, afin de promouvoir l’accès de tous aux médicaments.
Demander à toutes les firmes pharmaceutiques, notamment à la firme Abbott en Thaïlande, d’accepter sans condition les accords sur l’octroi de licences obligatoires, afin de faire bénéficier des médicaments dont ont besoin le plus grand nombre de malades possibles.
Demander à la firme Abbott de revenir sur sa décision disproportionnée de poursuivre une association de lutte contre le sida après une action de protestation.