Introduite à l’initiative du gouvernement, adoptée en première lecture par le Sénat le 10 septembre puis en seconde lecture par l’Assemblée nationale le 16 décembre 2010, une disposition de la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI) prévoit qu’un test de dépistage du VIH pourra être imposé à l’agresseur d’une personne dépositaire de l’autorité publique dès lors que l’agression présenterait pour celle-ci un risque de « contamination par une maladie virale grave ». Le texte stipule que « le fait de refuser de se soumettre au dépistage (…) est puni d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende » et que le test peut, le cas échéant, sur instruction du procureur de la République ou du juge d’instruction, « être effectué sans le consentement de l’intéressé ».

Dans un courrier (téléchargeable ci-contre) adressé le 4 octobre 2010 au Président de la République et aux ministres concernés, et porté ensuite à la connaissance des députés, les Professeurs Jean-François Delfraissy, Directeur de l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS), Willy Rozenbaum, Président du Conseil national du sida (CNS) et Patrick Yeni, Directeur du groupe d’expert sur « la prise en charge médicale des personnes infectées par le VIH » ont attiré l’attention du gouvernement et du législateur sur les difficultés soulevées par ces dispositions.

Le dispositif déjà en place en cas de blessures pouvant comporter un risque d’exposition au VIH par contact sanguin repose sur la mise en œuvre, dans les heures suivant l’accident d’exposition au sang (AES), d’un traitement antirétroviral post-exposition (TPE). La décision de débuter un TPE est basée sur l’évaluation du risque, indépendamment de la connaissance du statut sérologique de la personne source.

Le dispositif envisagé par la LOPPSI se fonde sur l’idée erronée que la connaissance du statut sérologique de l’agresseur permettrait une meilleure protection de la victime. Or un résultat négatif du test pratiqué sur la personne potentiellement source, en raison de l’existence d’une fenêtre de séroconversion de plusieurs semaines, ne peut garantir l’absence de risque de contamination. Il est donc d’une utilité relative pour la décision médicale de débuter et poursuivre le TPE.

En l’absence de bénéfice substantiel pour la victime, il paraît donc injustifié de faire exception au droit fondamental de la personne de donner son consentement libre et éclairé à un acte médical. Le dispositif envisagé dans la LOPPSI se heurte dans la pratique aux règles de déontologie et d’éthique médicales inscrites dans le droit français et international, qui excluent le recours à la contrainte physique pour réaliser le dépistage.

- Consulter le courrier adressé par J.-F. Delfraissy, W. Rozenbaum et P. Yéni au Président de la République : télécharger le document pdf ci-contre

- Consulter également le communiqué de presse de la Société française de lutte contre le sida sur www.sfls.aei.fr