Face à l’échec des discussions de l’OMC pour favoriser l’accès aux traitements dans les pays pauvres, le CNS réaffirme la primauté du droit à la santé sur le droit de la propriété intellectuelle.
En reconnaissant le recours aux licences obligatoires en cas d’urgence sanitaire, la Déclaration de Doha de novembre 2001 permettait une réelle application de l’accord sur les ADPIC [1] dans le domaine pharmaceutique. Le CNS s’est félicité de ce premier pas vers un accès généralisé aux traitements en matière de VIH/sida et souhaite que ce mouvement se poursuive.
Un second pas devait être franchi avec la mise en oeuvre, fin 2002, du paragraphe 6 de cette déclaration. Les pays ne disposant pas de capacité de production auraient alors pu importer des copies de médicaments.
Mais le 20 décembre dernier, la défense des intérêts des entreprises a conduit à une lecture restrictive de la déclaration et a empêché l’entrée en vigueur d’un compromis qui pourtant ne leur était pas défavorable. Afin de soigner leur population au moindre coût, les pays pauvres devaient se soumettre à des procédures contraignantes sous l’égide de l’OMC. En exigeant la définition d’une liste de pathologies concernées par le dispositif prévu, certains pays développés et notamment les Etats-Unis ont délibérément fait échouer ce compromis.
Ce nouveau coup porté au droit à la santé dans les pays du Sud conduit à s’interroger sur certains points.
Les Etats membres de l’OMC sont aussi membres de l’ONU dont la Charte et la Déclaration universelle des Droits de l’homme mettent en avant le droit à la santé et au bien-être. Les Etats doivent adopter une conduite conforme aux textes qu’ils ratifient alors que la survie de plus de 40 millions de personnes est en cause.
Les entreprises pharmaceutiques ont des intérêts légitimes, mais l’accès aux traitements des pays du Sud ne limitera pas leurs profits au Nord. Le marché des pays riches permettra de financer la recherche comme il l’a toujours fait.
L’OMC est une organisation où des débats sur la santé publique ne trouvent pas leur place car ils sont soumis à des enjeux commerciaux. La gravité de l’épidémie de VIH/sida et la situation sanitaire globale dans les pays pauvres exigent que l’OMS, soutenue par la communauté internationale, se voit reconnaître la prééminence dans la gestion des enjeux sanitaires mondiaux.
Le Conseil national du sida espère que dans les discussions à venir le droit à la santé ne sera pas subordonné aux stratégies des entreprises. Les Etats doivent considérer le mandat de Doha comme une obligation éthique. Compte tenu de l’urgence, le CNS appelle à une reprise rapide des négociations.
Notes
[1]L’accord sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce est l’un des accords de l’Organisation Mondiale du Commerce. Il protège les brevets, mais prévoit cependant des exceptions en cas d’urgence et pour protéger la santé publique (articles 8 et 31b).