L’Assemblée nationale examine à partir du 14 octobre 2009 le projet de loi pénitentiaire. Le texte adopté par le Sénat le 6 mars 2009 rappelle dans son article 20 que « la qualité, la permanence et la continuité des soins sont garanties aux personnes détenues dans des conditions équivalentes à celles dispensées à l’ensemble des personnes accueillies dans les établissements de santé publics ou privés (…) L’administration pénitentiaire favorise la coordination des différents intervenants agissant pour la prévention et l’éducation sanitaires « . De tels principes ont déjà été consacrés par le législateur lorsqu’il a prévu dans la loi du 18 janvier de 1994 que le service public hospitalier assure les soins dispensés aux personnes détenues et concourt à la prévention et à l’éducation pour la santé. Les personnes détenues bénéficient donc d’un accès aux soins et à la prévention identique à celui qui est offert à la population générale.
Toutefois des disparités très fortes existent toujours dans l’accès aux soins et à la prévention entre le milieu ouvert et le milieu carcéral. En particulierles usagères et usagers de drogues injectables incarcérés ne bénéficient d’aucun accès au matériel stérile d’injection et les programmes d’échange de seringues sont absents de tous les établissements pénitentiaires français. Ces programmes mis en oeuvre en France en milieu ouvert depuis 1989 s’inscrivent pourtant dans le cadre de la loi du 9 août 2004 sur la réduction des risques (RDR) dont les bénéfices dans la lutte contre la transmission du VIH et du VHC sont avérés.
L’absence de ces programmes dans les établissements pénitentiaires est extrêmement dommageable. Des substances psychoactives injectables (psychotropes et psychostimulants) circulent au sein des lieux de détention. L’usage de ces produits, par voie intraveineuse, demeure une pratique dangereuse, notamment au regard du risque de transmission des maladies infectieuses au sein d’une population carcérale dont la prévalence du VIH est deux à quatre fois supérieure à celle de la population générale et la prévalence du VHC cinq à huit fois supérieure.
Les pouvoirs publics assurent depuis 1996 la distribution d’eau de Javel au sein des établissements pénitentiaires à des fins de décontamination du matériel destiné à l’injection. Or, une telle solution ne paraît pas satisfaisante au regard de la lutte contre la transmission des maladies infectieuses, en particulier du VHC. Les organisations internationales recommandent comme stratégie de premier plan les programmes d’échange de seringues qui sont expérimentés dans les établissements pénitentiaires d’une douzaine d’Etats depuis 1992 et qui sont généralisés en Espagne.Contrairement aux idées reçues, de tels programmes ne concourent pas à l’augmentation de la consommation de drogues injectables ni à l’accroissement de l’insécurité au sein des lieux de détention. Ils préviennent avec efficacité la transmission des maladies infectieuses et encadrent la pratique de l’injection en contribuant à la diminution des surdoses et des abcès.
En dépit de ces bénéfices, les pouvoirs publics se refusent aujourd’hui à toute décision relative aux programmes d’échange de seringues dans l’attente de la publication de chiffres sur la prévalence des maladies infectieuses dans les lieux de détention (enquête PREVACAR). Or, les résultats de cette enquête ne seront pas connus avant 2011 et les données seront partielles, l’enquête ne permettant pas d’appréhender la proportion d’usagers de drogues en prison ni les cas avérés de transmission par l’échange de seringues. Aussi, le Conseil souhaite que des programmes d’échange de seringues soient mis en oeuvre dès aujourd’hui et de façon progressive. Une phase pilote, préalable à la généralisation des programmes, peut être engagée dans les plus brefs délais.
Les impératifs légitimes de sécurité au sein des établissements pénitentiaires et la pénalisation de l’usage des produits stupéfiants ne doivent pas constituer des obstacles à l’expérimentation des outils les plus efficaces de la RDR. La peine d’emprisonnement demeure une peine de privation de liberté, non pas de privation de soins et de prévention. En milieu carcéral, la RDR doit être pleinement mise en oeuvre conformément au Code de la santé publique.